Psychologie et comment mieux gérer ses relations

Surdoué : »La précocité n’est que rarement synonyme de bonheur »

Par Cyril Renault , le mercredi, 11 novembre 2015, 10h55 , mis à jour le mardi, 24 mars 2020, 15h18

enfant surdoué
Photo d’illustration / Depositphotos

Surdoué : »La précocité n’est que rarement synonyme de bonheur »


À 22 ans, Sébastien, détecté surdoué lorsqu’il était enfant, brise le cliché de l’enfant génie à qui tout réussit dans un livre, Funambule.

Mon histoire est celle d’un paradoxe. Le début n’est ni bon ni mauvais.

Et la fin est plutôt heureuse. Mais elle est, je crois, digne de lecture. Je suis né différent. J’ai, comme disent les scientifiques, un haut potentiel intellectuel. Le terme est un peu barbare. On parle plus volontiers de surdoués ou d’enfant intellectuellement précoce. A dire vrai, le terme n’importe assez peu, tant il est compliqué de définir cette condition. Il faudrait, quand on parle, dire à la fois qu’être précoce, c’est jouir en théorie d’une intelligence différente, pas supérieure, différente. Mais qu’être à haut potentiel intellectuel (HPI), c’est aussi, et surtout, être beaucoup plus sensible, à la fois mature et enfant, capable des meilleures fulgurances, comme de rendre copie blanche simplement par peur d’être incapable de bien faire.

« A l’école, j’ai commencé à m’ennuyer »

Rien durant ma petite enfance n’a mis la puce à l’oreille de mes parents. Ainé d’une famille de trois enfants, j’ai, jusqu’à mon entrée à l’école primaire, été tout à fait heureux. Seulement, à l’école, j’ai commencé à m’ennuyer. J’ai été diagnostiqué au CE2. Je m’ennuyais beaucoup, et ma maîtresse de l’époque a proposé que je sois testé. Pendant quelques semaines, une psychologue scolaire m’a donc fait passer un test de QI, le WISC 4. Mis au point par Weschler, un chercheur. Il permet, au-delà d’obtenir un QI (quotient intellectuel), d’avoir une radiographie des forces et faiblesses de l’enfant.


Un sentiment de décalage

Il y d’abord la différence de maturité. On peut passer en un instant d’une attitude puérile à un débat très sérieux sur le sens de la vie. Il y a ensuite, émotionnellement, la difficulté d’avoir tout à gérer. Chez un précoce, tout est décloisonné. On est très facilement submergé par nos émotions. L’enfance, de base, ce n’est pas simple. Pour un précoce, c’est souvent beaucoup plus compliqué. Et c’est ce qui explique ce que j’ai vécu.

J’ai notamment toujours apprécié la compagnie des plus âgés, même s’il n’était pas évident de gagner leur respect: on passe pour un petit merdeux à aller voir des plus âgés. Mais petit, je n’avais pas ce recul.


Puis, je suis entré au collège. J’y étais intégré -élu délégué de classe. En sixième, ça a été. C’est en cinquième que mon parcours a été stoppé net. Je ne sais dans quelle mesure j’aurais pu éviter tout ce que j’ai traversé à l’époque. La version courte, froide, mais efficace, consiste à dire, que cette année-là, j’ai été déscolarisé. Angoissé du matin au soir, les jours d’école, comme les week-end, qu’il pleuve vente ou neige, je n’allais plus en cours.

Parents dépassés et déscolarisation

A 11 ans, j’avais déjà subi deux hospitalisations en hôpital neurologique, un an de déscolarisation et surtout, j’étais angoissé du matin au soir. Voilà le tableau en juin de ma cinquième. Un peu en désespoir de cause, pour donner de l’air à mes parents qui étaient à bout de souffle, le docteur Revol, neuropsychiatre qui me suivait alors, a décidé de m’envoyer en internat en Ardèche, au collège privé sous contrat, Immaculée Conception d’Aubenas.

C’était à l’époque un des rares collèges à posséder deux cycles réservés aux enfants à haut potentiel. Le premier cycle consistait à faire le collège en trois ans, le deuxième en quatre. Tous les enseignants étaient formés et nous proposaient une pédagogie adaptée: on ne nous donnait pas plus de travail mais des exercices différents, parfois plus difficiles, parfois destinés à nous aider à nous adapter au moule de l’Education nationale.



Je n’étais pas très enthousiaste à l’idée d’y aller. Je ne voyais pas en quoi le fait de partir en Ardèche, en internat, allait m’aider. Pourtant, au bout de quatre mois, j’ai réussi à retourner en cours à un rythme normal. Que mon état s’améliore n’est pas seulement lié à mon départ à Aubenas. C’est un tout. Le traitement médicamenteux du Dr Revol, le suivi psychologique à Nîmes, tous les quinze jours, avec monsieur Chamont, la maturité que j’ai réussi à acquérir et le fait de me retrouver dans une classe entièrement composée d’enfant à haut potentiel. Nous étions enfin avec des gens qui nous comprenaient. Nous avions tous, plus ou moins, vécu les mêmes difficultés.

« On me renvoyait sans cesse l’image de ‘l’intello' »


Au lycée, je réintégrais le système normal. Mais en première, j’ai de nouveaux eu des angoisses. Seulement, ce coup-ci, j’étais paré. Je n’ai pas été déscolarisé. J’ai réussi à prendre sur moi. J’étais plus mature, j’ai réussi à les repousser et à continuer mon année sans souci. Sauf que… je me suis un peu perdu, je crois, ces années-là. Je n’avais pas des très bons résultats, et c’était volontaire. J’avais, dans une certaine mesure, associé mon mal-être de cinquième à l’image que les autres renvoyaient de moi: petit intello. C’est caricatural, mais du coup, je me suis contenté du minimum.

J’ai eu la mention Bien au bac. J’en avais enfin fini avec le système. C’était une vraie victoire car quelques années auparavant, on aurait pas donné cher de ma peau. Le prof de français de quatrième me l’a dit, quand je l’ai informé de mes résultats. « Il faut mesurer le chemin parcouru ». J’ai aussi passé les concours pour entrer à Sciences po. Je voulais être journaliste, et on m’avait dit que c’était la voie royale. Mais j’ai raté, deux années de suite, malgré une année de prépa.

Alors je suis entré à la fac de Lyon, en double licence, de Droit et Sciences Politiques. Là encore, j’ai été très frustré: les cours ne me plaisaient pas. Je m’ennuyais. Je n’arrivais pas à briller. J’ai dû travailler, beaucoup, pour parfois m’en tirer avec juste la moyenne. Par contre, je m’éclatais dans les activités à côté des cours. J’ai monté une association, j’ai participé à d’autres.

« L’Education nationale ne sait pas encore assez bien traiter ces enfants »

J’ai finalement trouvé ma voie. J’ai continué à poursuivre mon ambition d’être journaliste. En troisième année, avec des amis, j’ai fondé une startup média, Ijsberg, qui a gagné le prix Google de l’innovation en journalisme. C’est hyper enrichissant, au quotidien, d’y travailler. On doit trouver comment informer au mieux, je dois mener des journalistes parfois plus âgés et expérimentés que moi, et ce n’est pas facile. Mais c’est tellement intéressant. Cette année, je suis en alternance, au CFJ, une école reconnue par la profession, et à Ijsberg.


C’est l’objet de ce texte, et du livre que j’ai publié, Funambule, mon parcours d’enfant à haut potentiel. Je veux montrer qu’être à haut potentiel intellectuel n’est pas être un petit génie surdoué. C’est être un enfant avec parfois des difficultés. Que l’Education nationale ne sait pas encore assez bien traiter ces enfants, car les profs ne sont pas formés à cela.

La précocité n’est que trop rarement synonyme de bonheur et de réussite. Bien souvent, seuls le temps et la maturité seront à même d’amener l’enfant à haut potentiel à être heureux. Aidez vos enfants à trouver l’équilibre et à traverser le fil.


Source : www.lexpress.fr


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Cyril Renault

C’est très probablement mon père qui m’a transmis cette passion que j’essaierai moi-même de transmettre à mes enfants. Dès que j'ai un peu de temps, je profite de l’occasion pour passer du temps dans la nature. Par ailleurs, je m’intéresse également à tout ce qui touche au bien être et à l'écologie de près ou de loin, je suis fasciné par toutes les méthodes d’investigation, vérifiables et reproductibles ayant pour but de produire des connaissances. J’ai donc décidé de rédiger des articles qui touchent à ces domaines. J’espère pouvoir vous transmettre un peu de mon savoir et de mon amour pour la nature.

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Commentaires

Le jeudi, 12 novembre 2015, 9h09 à 9h09, Laetitia a dit :


Je vais faire lire cet article et pourquoi pas votre livre à mon fils de 14 ans qui comme vous est un enfant précoce, avec un parcours difficile comme le vôtre. Il est en seconde aujourd'hui et j'espère que le plus dur est derrière lui.
Merci pour cet article et bonne continuation à vous.


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